Étude pilote - Efficacité de la Stimulation non-invasive du nerf vague

2020 | Financement de l'AFE : 40 000 € |
Chercheur : Eric Azabou Hôpital Poincarré – Garches, Paris



La stimulation non invasive du nerf vague (SNV) permet une modulation des noyaux mono-aminergiques du tronc cérébral via ses projections centrales, notamment sur les noyaux cholinergiques, dopaminergiques, sérotoninergiques et noradrénergiques [Frangos et al 2015 ; Jacob SN and Nienborg H, 2018] qui sont potentiellement impliqués dans la physiopathologie du SJSR et la dépression [Thireau J et al 2017 ; Kumru H et al 2016]. Dans cette étude pilote, nous émettons l’hypothèse qu’un traitement adjuvant par SNV pourrait être bénéfique sur les symptômes des patients souffrant de SJSR sévère pharmaco-résistants. L’objectif principal est d’évaluer l’efficacité de la SNV sur la diminution de la sévérité du SJSR (évaluée par le score IRLSS) chez des patients atteints d’un SJSR sévère (IRLS >20) en échec thérapeutique. Les patients bénéficieront de séances de SNV à raison d’une séance par semaine pendant 8 semaines. Une réduction significative du score IRLSS sera le critère de jugement principal de l’étude. Nous évaluerons également entre autres, les scores d’anxiété et dépression (HAD) et de la qualité de vie.


Originalité et caractère innovant :

La stimulation du nerf vague (SNV) est un traitement innovant qui n’a pas encore été étudié chez les patients atteints d’un syndrome des jambes sans repos. Bien que la littérature disponible soit très limitée, une étude de cas a rapporté l’efficacité de cette technique chez un patient présentant un SJSR et une dépression comorbide [Merkl A et al 2007]. Des dysfonctionnements spécifiques du système sympatho-vagale ont été décrits chez les patients souffrant du SJSR [Thireau J et al 2017]. Le nerf vague dispose de projections centrales capables de moduler le fonctionnement des principaux noyaux des systèmes monoaminergiques cérébraux : dopaminergiques, sérotoninergiques, noradrénergiques et cholinergique [Frangos et al 2015 ; Jacob SN and Nienborg H, 2018]. De manière empirique, nous avons proposé ce traitement à une patiente en échec des thérapeutiques habituelles avec une amélioration clinique permettant une diminution du traitement par agoniste dopaminergique chez cette patiente. Aucune étude de la SNV chez les patients atteints de syndrome des jambes sans repos n’est actuellement en cours à notre connaissance (clinicaltrials.gov).


Description du projet scientifique

Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) est une pathologie fréquente (environ 3.9% à 14.3% de la
population générale), responsable d’une altération de la qualité du sommeil, la qualité de vie et de troubles anxiodépressifs [Ohayon 2012]. Le diagnostic est clinique et repose sur les critères identifiés par l’ICSD3 : la présence de sensations agaçantes dans les jambes et parfois dans les bras qui sont aggravées par l’immobilité, soulagées par les mouvements et ont un profil circadien avec une aggravation le soir. La gravité du syndrome des jambes sans repos est évaluée par le score sur l’IRLSSS : un score >20 est considéré sévère [Allen RP et al 2014]. En l’absence de carence martial un traitement par agoniste dopaminergique peut être proposé en première ligne. En deuxième intention, un traitement par alpha-2-delta ligands ou opiacé peut être proposé [Chenini et al 2018].

Malgré les différentes options thérapeutiques disponibles, le traitement médical n’est pas toujours complètement efficace avec la persistance de symptômes malgré une posologie maximale [Massey TH and Robertson NP 2020]. L’utilisation de posologie maximale d’agonistes dopaminergiques de demi-vie courte expose par ailleurs au risque de développer un syndrome d’augmentation (7% par an avec 70 – 80% à 10 ans) qui nécessite souvent un changement de traitement difficile à encadrer et avec régulièrement le recours à des traitements opiacés [Leu-Semenescu S et al 2018].

L’identification d’un traitement adjuvant efficace pour les patients symptomatiques malgré un traitement adapté permettrait de limiter les posologies des traitements de fond et de réduire ainsi la survenue d’effets indésirables et de syndrome d’augmentation. La physiopathologie du syndrome des jambes sans repos demeure imparfaitement élucidée. L’hypothèse d’une dysfonction des systèmes dopaminergique est soutenue par quelques travaux [Kumru H et al 2016]. Une activation anormale des aires sensorimotrices et limbiques est également évoquée dans d’autres études, suggérant un dysfonctionnement des systèmes glutamatergiques [Massey TH and Robertson NP, 2020 ; Trenkwalder C et al. 2018]. Des dysfonctionnements spécifiques du système sympatho-vagal ont été décrits chez les patients souffrant du SJSR [Thireau J et al 2017].

La stimulation du nerf vague (SNV) agit par une modulation de l’activation cérébrale via les noyaux monoaminergiques du tronc cérébral, avec un effet sur les réseaux GABA, sérotoninergiques et dopaminergique [Frangos et al 2015]. Elle est utilisée avec des résultats très intéressants dans le traitement de l’épilepsie, de la dépression, des douleurs chroniques et des maladies inflammatoires [Spindler P et al, 2019]. Les nouveaux antiépileptiques ont démontré leur efficacité dans le traitement du syndrome des jambes sans repos et devant l’effet anticonvulsif de la SNV un possible effet positif sur le syndrome des jambes sans repos est à rechercher. Un seul cas de traitement par stimulation du nerf vagal a été rapporté par Merkl (2007) chez une patiente atteinte de dépression et de syndrome des jambes sans repos, traité par duloxétine avec une diminution de l’IRLSS de 19 à 8 et des mouvements périodiques nocturnes sur polysomnographie de 19.7 à16.9 par heure du sommeil. Notre expérience de quelques cas à l’hôpital Raymond Poincaré a été positive sur un cas sur les deux qui ont terminé les 8 séances avec un bénéfice très net (baisse de l’IRLS de 29 à 18 accompagné d’une diminution de la posologie du Sifrol de 0.26 + 1⁄2 0.18 mg à 0.18 mg avec un effet toujours présent à un an. Aucune étude de la SNV chez les patients atteints de syndrome des jambes sans repos n’est en cours à notre connaissance(clinicaltrials.gov). Si un traitement par SNV dans cette étude pilote s’avère positif une étude randomisé sera nécessaire afin de confirmer son bénéfice à court et long terme.


Méthodologie :

Etude prospective en ouvert, évaluant l’efficacité de la SNV chez 15 patients adultes (>18 ans) atteints d’un SJSR sévère (IRLS >20) malgré un traitement optimal, sans carence martiale associée et sans syndrome d’augmentation (tel que défini par les critères de la IRLSS (2007)).

Intervention :

Une séance de SNV par semaine pendant 8 semaines, en milieu hospitalier.

Mesures :

IRLSS : international restless legs rating score, échelles visio-analogiques de sévérité de symptômes, Hospital Anxiété and dépression rating scale (HAD), échelle de Leeds, qualité de vie mesuré par la RLS QOL, et questionnaire spécifique sur l’impact des impatiences sur le sommeil: (horaire début et fin, HC et HL, et les éveils nocturnes avec impatiences moyenne par nuit), agenda du sommeil et une actimétrie avant et après l’étude.
Un bilan sanguin pour évaluer la ferritinémie : Objectif principal évaluer l’efficacité de la SNV sur la diminution de la sévérité du SJSR (évaluée par le score IRLSS) chez des patients en échec thérapeutique
Critère d’évaluation principal : IRLSS score
Objectifs secondaires : efficacité du traitement sur les symptômes, sur le sommeil, sur les troubles
de l'humeur et la qualité de vie avant et après les séances de SNV
Critères d’évaluation secondaires : efficacité du traitement sur les symptômes (VAS symptômes, questionnaire symptômes, consommation de médicaments : agonistes dopaminergiques, alpha-2-delta ligands et antalgiques) sur le sommeil (VAS qualité du sommeil, échelle de Leeds, agenda du sommeil et actimétrie avec temps du sommeil estimé + fragmentation index), qualité de vie (RLS QOL) et troubles d’humeur (l’HAD).
Population de l’étude : 15 patients adultes (18-80 ans) atteints d’un syndrome des jambes sans repos sévère (IRLS >20) et idiopathique malgré un traitement optimal, sans carence martiale et sans syndrome d’augmentation (tel que défini par les critères de la IRLSS (2007)). Les critères d’exclusion sont : absence de couverture par un régime de sécurité sociale, grossesse et allaitement, trouble psychiatrique connu, traitement susceptible d’aggraver un syndrome des jambes sans repos (antidépresseurs, antihistaminiques...).

Déroulé de l’étude
Une visite de screening avec information de l’étude et recueil du consentement écrit sera suivie par le remplissage des échelles, un examen clinique et une prise de sang pour évaluer la ferritinémie. Un agenda et une actimétrie seront fournis pour un remplissage pendant 7-14 jours. Les séances de SNV auront lieux de façon hebdomadaire pendant 8 semaines. A la dernière séance le patient complètera de nouveaux les échelles et se verra remettre un nouvel agenda ainsi qu’un actimètre, qui sera rendu à la fin de l’étude (visite de suivi à 1 mois).

Les résultats préliminaires de l'étude sont disponibles ici.
L'Etude Pilote est disponible ici.


REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES:
1- Allen RP, Picchietti DL, Garcia-Borreguero D, Ondo WG, Walters AS, Winkelman JW, Zucconi M,
Ferri R, Trenkwalder C, Lee HB. Restless legs syndrome/Willis-Ekbom disease diagnostic criteria:
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rationale, description, and significance. International Restless Legs Syndrome Study Group. Sleep
Med. 2014.
2- Chenini S, Arnulf I, Monaca CC, Ghorayeb I. French consensus: Pharmacoresistant restless legs
syndrome. Rev Neurol (Paris). 2018.
3- Frangos E, Ellrich J, Komisaruk BR. Non-invasive Access to the Vagus Nerve Central Projections via
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4- Jacob SN, Nienborg H. Monoaminergic Neuromodulation of Sensory Processing.
Front Neural Circuits. 2018.
5- Kumru H, Albu S, Vidal J, Barrio M, Santamaria J. Dopaminergic treatment of restless legs
syndrome in spinal cord injury patients with neuropathic pain. Spinal Cord Ser Cases. 2016 Aug.
6- Leu-Semenescu S, Petiau C, Charley Monaca C, Dauvilliers Y. French consensus: Augmentation
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7- Massey TH, Robertson NP. Restless legs syndrome: causes and consequences.
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8- Merkl A, Brakemeier EL, Danker-Hopfe H, Bajbouj M. Vagus nerve stimulation improves restless
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11- Thireau J, Farah C, Molinari N, Bouilloux F, Torreilles L, Winkelmann J, Scholz S, Richard S,
Dauvilliers Y, Marmigère F. MEIS1 variant as a determinant of autonomic imbalance in Restless Legs
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12- Trenkwalder C, Allen R, Högl B, Clemens S, Patton S, Schormair B, Winkelmann J. Comorbidities,
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